Pour choisir et déguster les meilleurs whiskies

L’importance du tonneau

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Le bois est fondamental dans l’élaboration du whisky. Dans une première approximation, on peut considérer que la qualité du whisky reflète celle du fût employé. Évidemment, il ne faudra aucunement réduire l’un à l’autre, bien que les deux éléments soient intimement liés.
Qu’est-ce qu’un fût ? Derrière la simplicité apparente de la réponse, se développent toute une technique, tout un savoir, une expérience riches de plusieurs siècles.
Nous verrons dans un premier temps les différents types de fûts, puis dans un deuxième temps leur utilisation et enfin les interactions entre le contenu et le contenant.

Le fût

Les tonneaux employés pour la fabrication des whiskies sont en bois, plus précisément en chêne. On n’utilise pas – pas encore – de cuves en inox ou en béton. Il s’agit généralement de fûts usagés, parfois abîmés, importés de différentes parties du globe pour finir leur vie en Écosse.
En Écosse, les fûts sont quasi éternels : une fois qu’ils ont servi à maturer un whisky on les réutilise. Généralement trois fois, après quoi on considère qu’ils n’ont plus rien à donner et on leur fait subir une cure de jeunesse sous la forme d’un reconditionnement.
Pourquoi ne fabrique-t-on pas des fûts en Écosse ? Il y a peu de chênes et ceux qui y poussent sont tellement noueux (ils ont tellement de nœuds) que les fûts en résultant sont trop poreux. Ces fûts ne possèdent pas les caractéristiques requises pour faire vieillir un whisky pendant plusieurs années, voire plusieurs décennies.

Les fûts de bourbon

Ces fûts proviennent des États-Unis, et ont eu leur première vie dans la maturation du bourbon, ainsi que leur nom l’indique. Le bourbon doit subir sa maturation dans des fûts neufs. Ceci est la conséquence de la Prohibition. Pendant cette période, la production officielle de whisky avait tellement baissé que les bûcherons américains en avaient subi un dur contre-coup. Aussi à la fin de la Prohibition, pour compenser cette injustice, il a été décidé que le bourbon ne devrait plus être fabriqué que dans des fûts neufs, redonnant ainsi du travail aux bûcherons. Le chêne utilisé pour la fabrication de ces fûts provient essentiellement des Monts Ozark, massif boisé des Appalaches.
Une fois la maturation du bourbon terminée, les fûts sont acheminés vides en Écosse où ils commenceront leur deuxième vie.
Comme il s’agit des fûts les plus couramment utilisés, il n’est généralement pas fait mention de leur usage, à la différence des autres fûts décrits ci-après. L’Écosse importe annuellement 800 000 fûts de bourbon.

Les fûts de sherry

Ce sont les fûts les plus recherchés, mais, à la différence des fûts de bourbon, rares sont ceux mis sur le marché. La cause essentielle en est la méthode de fabrication du sherry (la méthode Solera) qui repose justement sur le fait que les fûts ne sont jamais vidés. Ces fûts de sherry sont donc rares. En plus ils sont recherchés autant pour des raisons gustatives, détaillées ci-dessous que pour des raisons historiques.
Au début de l’histoire du whisky, il y a quelque deux cents ou trois cents ans, les voyages transatlantiques étaient longs et risqués, la Prohibition n’avait pas encore eu lieu et les relations internationales montraient une certaine fraîcheur entre la Grande-Bretagne et le principal producteur mondial de fûts qu’était la France. Donc pour assurer leur approvisionnement, les Écossais se sont tournés vers d’autres producteurs, européens et alliés : l’Espagne et le Portugal. Ceci permettait aux producteurs d’avoir un approvisionnement en fûts indépendant de la situation politique internationale. En plus ces fûts répondaient parfaitement à ce qu’en attendaient gustativement les producteurs.

Fûts neufs

Lorsque les sources d’approvisionnement se tarissent au regard de la demande, les distilleries vont chercher et trouver des solutions : les fûts neufs. Différents essais sont intervenus et ont montré que la qualité du whisky résultant était satisfaisant pour du blending. Ou comme argument marketing pour vendre à prix d’or de la pisse de chat.

Autres fûts

On a vu apparaître dans les années 1990, des fûts d’autres origines pour la finition ou, plus rarement, pour la maturation. Parmi ceux-ci, on rencontrera des fûts ayant contenu :
  • du porto, du madère et autres vins enrichis,
  • des vins français, identifiés par leur région (bordeaux, bourgogne…), leur appellation (Saint-Estèphe, Côtes de Beaunes…) ou même leur domaine, surtout lorsque celui-ci est prestigieux comme Château Yquem,
  • des vins étrangers (sassicaïa par exemple),
  • d’autres alcools comme du cognac, du rhum ou du calvados,

Cette liste est loin d’être exhaustive, l’imagination des producteurs étant sans limite pour trouver des idées nouvelles, et la qualité des services marketing est sans égale lorsqu’il s’agit de vendre cher un produit sans intérêt.

Hogsheads

Nous avons vu un peu plus haut que des fûts de différentes origines servent à la fabrication du whisky. Mais quelquefois les fûts reçus par les distilleries ne peuvent pas être utilisés tels quels car de qualité insuffisante. Dans ce cas, ce mauvais fût n’est pas perdu : il sera démonté et les douelles (les lames de bois constituant le fût) et les têtes récupérables seront traitées pour être réassemblées pour faire un nouveau fût, un hogshead. Les douelles sont de toutes origines, on ne peut donc pas dire que ce nouveau fût est un sherry cask ou un bourbon cask, pas plus qu’on ne peut dire que c’est un fût neuf.
Ce traitement est aussi appliqué aux fûts ayant déjà « tout donné ». On reconditionne ces vieux fûts pour leur donner une nouvelle vie.

Noms et contenance des fûts

Les tailles et les noms des fûts sont codifiés mais non standardisés. En effet la fabrication est encore manuelle et de ce fait la variabilité, aussi bien en qualité qu’en taille, est importante. Seule une taille maximum a été définie par la SWA : 700 litres. Un fût destiné à l’élaboration du whisky ne doit pas avoir une contenance supérieure à 700 litres. Il est à noter que les distilleries étrangères s’alignent généralement sur les règles de la SWA, bien qu’elles n’y soient aucunement obligées. Les noms des fûts n’ont généralement rien à voir avec les appellations viticoles.

Bodega butt

Aussi appelé gorda ou sherry butt, c’est un fût ayant antérieurement servi à l’élaboration du sherry. Il fait environ 600 litres.

Puncheon

C’est un autre type de fût ayant servi à l’élaboration du sherry. Il contient environ 545 litres.

Pipe

Aussi appelé port pipe, il a servi à la fabrication du porto. Sa contenance est d’environ 500 litres.

Butt

À ne pas confondre avec les bodega butts et sherry butts mentionnés plus haut. Il s’agit ici d’une appellation moins restrictive du fût qui a servi pour le sherry. Il mesure entre 500 et 600 litres.

Dump puncheon

C’est un petit puncheon, d’une contenance de 460 litres.

Hogshead

Il s’agit du fût le plus couramment utilisé. Fabriqué traditionnellement en Écosse à partir de tonneaux inutilisables ou ayant déjà trop travaillé, ils sont assemblés sur place. Leur contenance habituelle est de 250 litres, mais peut aller jusque 305 litres. On appelle recoopered hogshead un hogshead comportant une part de douelles neuves.

Le barrel

C’est le fût dont on se sert pour la fabrication des whiskies américains : bourbon, mais aussi rye ou autres alcools de grain. La contenance est de l’ordre de 180 litres, mais peut aller jusque 200 litres, limite maximum autorisée pour le boutbon.

Kilderkin

82 à 100 litres.

Quarter

45 à 80 litres ou, selon les sources, 105 à 125 litres. Correspond à un quart de butt, d’où son appellation.

Anker

Tonneau d’une contenance d’environ 40 litres. C’est le fût utilisé à l’origine pour la maturation de whisky, nommé aussi blood tub à une période plus récente. Cette taille s’est probablement imposée car un homme pouvait encore manipuler le fût tout seul et un âne ou un poney pouvait bien porter deux de ces fûts.

Octave

22,5 litres. C’est le format premier du blood tub.
Il faut noter la différence qui existe entre l’origine du bois et l’origine du fût. Si un bourbon barrel est obligatoirement fabriqué avec du chêne américain, un pipe portugais peut aussi bien être fabriqué avec du chêne portugais qu’avec du chêne espagnol ou français. Les fûts de sherry sont généralement fabriqués avec du chêne américain.