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Maturation et finition du whisky

Contenu

Définitions

Un peu partout on voit fleurir des étiquettes comportant des mentions du style « maturation en fût de sherry », « finition en fût de gajo barolo » ou « triple wood »… Que signifient ces termes ? Quelle différence entre eux ? Quelle information puis-je en tirer ? C’est à ces questions que nous allons tenter de répondre.
On appelle maturation la principale période de vieillissement du whisky dans un fût. La maturation peut durer toute la vie du whisky ou simplement la première et la plus importante en durée.
La finition est la période terminale du vieillissement du whisky, cette finition se faisant dans un fût de nature différente de la maturation. La finition dure habituellement entre six mois et deux ans.
Il n’existe pas de définition absolue et l’on peut donc trouver des durées de finitions plus brèves ou plus longues.
Chacun peut utiliser, en Écosse ou ailleurs, des termes différents tels que ACE (??? cask enhancement) ou ACEd, faisant ainsi rentrer le terme précédent dans la catégorie des verbes couramment usités.
Il faut noter que ces termes, finition et maturation, ou leurs traductions ne sont que très rarement employés tels quels. Ou trouvera plus souvent des déclinaisons telles « matured in … », « … finish », « enhanced in … ». Il s’agira donc d’interpréter l’étiquette pour connaître plus précisément le contenu et l’histoire du whisky, sachant qu’il y a rarement ambiguïté, au pire absence d’information.
Les informations présentes font quelquefois référence au fût lui-même en plus de son contenu antérieur. Ainsi, sur l’illustration ci-dessus, seul le contenu est précisé (madeira wood finish) alors sur que celle ci-dessous, le type de fût est précisé (rum barrel). Ces mentions étant facultatives, leur présence relève plus du marketing (ou de l’information du consommateur) que de l’obligation.

Intérêt des finitions

Les relations entre le fût et son contenu sont largement développées sur une autre page. Nous nous intéresserons donc ici uniquement aux finitions pour lesquelles on peut trouver plusieurs buts, pas toujours glorieux pour les distilleries.

Jeunes distilleries

Les jeunes distilleries ont l’obligation de trouver des revenus mais ne peuvent s’appuyer que sur une étroite palette de produits, jeunes de surcroît. Pour pallier au manque de liquidités et à la petitesse de la gamme, elles multiplient les versions de leurs produits (jeunes, car il n’y a pas encore de vieux) afin d’accroître leurs débouchés. C’est notamment le cas de la distillerie Arran, qui a commencé à distiller en 1996 et qui devra donc attendre en 2016 avant de pouvoir commercialiser son premier 20 ans. L’objectif est louable, même si les résultats ne sont pas toujours à la hauteur. Et ce sera probablement le cas avec les nouvelles distilleries telles Kilchoman ou Daftmill.

Amélioration d’un whisky

C’est le motif honorable unanimement évoqué par les producteurs (embouteilleurs aussi bien que distilleries) lorsqu’on parle de finitions.
Quelquefois se surajoute l’idée de la création d’un produit original, différent. Si les producteurs faisaient correctement leur travail et sortaient des produits corrects, il n’y aurait guère besoin de ce subterfuge pour vendre des produits moins bons et plus chers. En fait, très rares sont les distilleries ou embouteilleurs qui pratiquent cette technique uniquement dans ce but.
Derrière ce terme d’amélioration, on ne peut plus louable, on peut imaginer que c’est pour gommer les aspérités ou le petit défaut d’un whisky, pour lui donner un regain d’un trait absent, le rendre plus riche… Je dois admettre que le résultat, dans la mesure où la finition est appliquée sur un fût de qualité au moins moyenne, est souvent le reflet de l’objectif. Mais il faut aussi admettre que ce résultat est souvent décevant. Une finition en fût de Saint-Émilion apportera des tannins, une finition sherry Pedro-Ximenes apportera douceur et amertume. Si dans quelques rares cas il en résulte une amélioration, il faut aussi reconnaître que bien souvent le produit final est qualitativement en-dessous de ce que l’on aurait pu espérer sans la finition.
Ainsi le Linlithgow 25 ans 1982-2007 finition cognac Murray MacDavid, 51.4%, est si marqué par le cognac que l’on cherche désespérément le caractère original du Lowlands. De la même manière, le Guillon finition Loupiac n’améliore en rien la qualité du breuvage initial. Par contre l’Arran 8 ans finition sassicaïa présente un réel caractère, intéressant, original, différent de – mais dans la lignée – de la version non finie.

Récupération d’un fût pourri

Cette approche est le pendant de l’argument ci-dessus. Un mauvais fût peut être teaspooné et vendu pour une bouchée de pain à un blender. Cette solution est facile à mettre en œuvre, car il ne faut pas oublier que plus de 90% du whisky dans le monde est consommé sous forme de blend mais ceci ne rapporte rien. Il y a aussi la possibilité de tenter une finition. Dans le pire des cas, le whisky aura vieilli quelques mois de plus et n’aura pas été amélioré. Par contre, de temps à autre il en résultera une singulière amélioration, qui pourra facilement être monnayée. Le calcul est simple : en misant trois fois rien, qui ne prendrait pas le risque de toucher le jack-pot ?
Mais soyons réalistes, les grands groupes propriétaires de distilleries s’abaisseraient-ils à de telles pratiques ?
L’approche évoquée ici est celle du single cask, donc a priori plus proche de celle d’un IB que d’une distillerie. Et les bons IB savent choisir leur fûts, n’est-ce pas ?

Les sirènes de la mode

Le marketing a vraiment fait fort. Afin de rester sur le créneau du single, on se doit d’avoir une large gamme. Avoir deux versions de base comme un 12 ans et un 18 ans n’est plus suffisant pour figurer à côté des distilleries qui se déclinent en plusieurs finitions. Il est vrai qu’une présentation de 7 bouteilles proches mais différentes est plus sexy que s’il n’y en a que deux. Je vous laisse juge sur l’exemple ci-contre.
Naturellement la distillerie (ou la marque, ou l’embouteilleur indépendant) se retranchera derrière un honorable « nous cherchons à améliorer notre produit », mais ne nous leurrons pas, tous les producteurs, les géants comme les nains, sont des sociétés commerciales et ont un premier objectif premier et non discutable qui est d’ordre financier. L’objectif, même s’il n’est pas de gagner des parts de marché, est surtout de n’en pas perdre et faire au moins jeu égal avec les concurrents / confrères.
On est ici plus dans une approche OB, avec l’émergence de finitions qu’il s’agira de faire perdurer. Il faut penser que le maintien de la qualité est un objectif premier pour la distillerie qui ne ménagera pas ses efforts pour garder son image de marque. Les distilleries BenRiach et Edradour sont dans cette approche.
Il faut noter qu’il existe des whiskies double finition, donc avec deux finitions successives. Ce type de produit est rare, je me contente donc de signifier ici leur existence.

Histoire

L’origine de la pratique du changement de fût n’est pas datée. Des embouteilleurs aussi bien que des distilleries y avaient recours lorsque le besoin s’en faisait sentir, mais ces opérations n’étaient pas suivies, racées dirait-on aujourd’hui. On ne sait donc pas nécessairement tous les détails des vieux embouteillages, disons de ceux datant d’avant les années 1960. La première distillerie à se lancer a été Glenmorangie. Bill Lumsden, maître de chais et maître assembleur de la distillerie avait fait quelques expériences sur des fûts en chêne écossais qui se sont avérées des échecs. Il a alors transféré le résultat dans des fûts de vins mutés et a constaté une nette amélioration. Il a alors répété ces essais a plus grande échelle et au début des années 1990, Glenmorangie a commencé à commercialiser trois whisky « wood finish » : madeira, port et sherry.
La distillerie the Balvenie a suivi dans un délai rapproché avec une expression en double maturation, le « double wood ». Puis la gamme des finitions de Glenmorangie s’est élargie avec d’autres finitions telles le « Burgundy finish » ou les « Sauternes finish », 12 ans et 15 ans. D’autres distilleries comme Glenfiddich, Bruichladdich ou Bowmore.
La reprise d’Edradour par Andrew Symington et la mise sur le marché des premières expressions d’Arran, quasi simultanées, ont précipité le mouvement en multipliant de manière outrancière les finitions.
Plus récemment, certains embouteilleurs tels Gordon et McPhail ou Douglas Laing ont suivi ce mouvement, alors que Murray McDavid s’est spécialisé sur ce créneau depuis plusieurs années avec sa gamme Mission. On a aussi vu des finitions « venir à la rescousse » de whiskies vénérables comme ce BenRiach 30 ans finition Moscatel, hogshead #4412 ou un Caperdonich 37 ans rum finish.

Quelques étiquettes pour illustrer le propos

Ainsi, si l’on trouve une étiquette (photo) avec la mention distilled 1988 march, bottled 2007 august, finished in a rum barrel. (distillé mars 1988, embouteillé août 2007, finition rhum)
On peut immédiatement dire que le whisky a vieilli 19 ans en fût. La première et la plus longue partie probablement en bourbon cask ou un hogshead, et une deuxième période de six mois à deux ans en fût de rhum, plus précisément un barrel.

Double et triple maturation

Une double maturation est un terme employé pour indiquer que les durées de maturation dans les deux types de fûts sont comparables, sans être nécessairement égales. Ainsi l’Auchentoshan 17 ans double matured a passé 8 ans en fût de bourbon et 9 ans en fût de bordeaux. Il ne s’agit plus ici d’une simple finition, la 2e période de maturation étant équivalente à la première.
Dans le cas de l’Aberlour 16 ans « double matured » (photo de la contre-étiquette ci-contre), les durées de vieillissement ne sont pas mentionnées mais le type des fûts employés est indiqué (en haut à gauche : traditional oak cask et en bas à droite sherry cask).
Comme indiqué plus haut, il n’existe pas de limite définie entre une double maturation et une finition, le choix de l’appellation étant fait par le producteur.
Il existe aussi des whiskies des whiskies triple maturation comme l’Auchentoshan Three woods ou, plus récemment, le Laphroaig Triple wood.

Quelques exemples

Glenmorangie a fait figure de précurseur dans le domaine des finitions, avec les ancienne sexpressions citées plus haut, remplacées en 2008 par les nouvelles, quelque peu différentes. Certaines expressions
On peut aussi signaler les séries Distillers Edition des Classic Malts de Diageo. Chacune des six distilleries de la série sort annuellement une finition, toujours la même pour une distillerie données et différente entr deux distilleries. Par exemple les Glenkinchie DE (pour distillers edition) sont tous finis en amontillado et les Dalwhinnie en oloroso. Quelques rares expressions sont intéressantes.
Les distilleries Arran et Edradour ont tant multiplié les finitions qu’il est difficile aujourd’hui de les citer toutes. Disons pour faire court, que celle celles que j’ai goûtées sont au mieux décevantes, au pire mauvaises, à l’exception de l’Arran finition sassicaïa, déjà cité.
L’embouteilleur indépendant Murray McDavid s’est fait une spécialité des finitions de jeunes whiskies pour sa gamme Mission. On peut par exemple citer un Clynelish 14 ans finition Condrieu, un Dufftown 10 ans finition Syrah ou un Glendullan 9 ans finition Grenache. J’ai rarement trouvé chaussure à mon pied dans cette gamme.
Et l’on trouve occasionnellement chez d’autres embouteilleurs des finitions ou des whiskies en double maturation.